Opéra-Comique. – Don César de Bazan. Quelques mots encore sur la musique de M. Massenet
par M. de Thémines
dans La Patrie du 9 décembre 1872
Une nouvelle audition de Don César de Bazan n’a pas modifié mon opinion sur le talent du musicien et sur le caractère de sa musique. M. Massenet est un excellent harmoniste, pas brouillé de parti pris avec la mélodie. Je suppose, du moins, que ce n’est pas de parti pris, attendu que lorsqu’il lui arrive de dérouler une phrase mélodique, il s’y livre avec joie et l’entoure de toutes les grâces de l’orchestration, heureux comme une mère qui pare, enrubanne et pomponne son baby.
S’il appartenait à l’école qui fait fi de la mélodie sous prétexte qu’elle ne s’acquiert pas avec l’étude et qu’elle est très agréable à l’ouïe, il se hâterait d’éliminer les phrases ou les passages où la musique chante et plaît. Il faut donc croire que la mélodie n’arrive pas toujours docile et obéissante à son appel. D’où il résulte que, s’il veut réunir tous les suffrages – c’est-à-dire s’il tient aux succès de la scène, – M. Massenet devra mettre autant de soin à chercher des mélodies et à les trouver qu’il en met à parfaire son travail d’orchestration. Qu’il n’oublie pas que la voix humaine est le plus agréable, le plus séduisant et le plus difficile des instruments.
Le succès de Don César de Bazan n’est profitable qu’à l’harmoniste ; c’est à celui-ci qu’on a rendu justice ; il n’est pas resté assez d’applaudissements pour le mélodiste, et quand je dis « mélodiste », bien que j’aie parlé de la voix humaine, je n’entends pas exceptionnellement le chant, mais l’idée, la pensée musicale ; à telles enseignes que le petit entracte, applaudi ou bissé chaque soir, n’est qu’un morceau symphonique ; seulement, il contient une idée, idée charmante, que les connaissances spéciales du compositeur font valoir encore davantage.
En un mot, M. Massenet a pu voir que les pages qui ont été le plus favorablement appréciées par le public sont celles qui contiennent une pensée mélodique. Ce détail, assez significatif, doit lui tracer la voie à suivre. S’il veut s’en écarter, il fera mieux d’écrire ces suites d’orchestre qu’il cisèle si bien, que des opéras.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lucia Pasini (9 décembre 1872). Revue musicale. Les fours noirs. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/uq8o