Semaine théâtrale

par H. Moreno

dans Le Ménestrel du 4 mai 1873

C’est demain lundi qu’on donnera définitivement à l’Opéra le ballet Gretna Green quelque temps retardé par suite d’une légère indisposition survenue à Mlle Beaugrand ; c’est au talon que le mal s’était porté, et l’on comprend que chez une danseuse il ne pouvait choisir plus mal sa place. Même un instant on a craint que l’intéressante artiste ne restât estropiée, mais aujourd’hui, grâce à un traitement énergique, on a pu conjurer le danger et l’art chorégraphique ne verra pas disparaître une de ses étoiles.

A propos d’étoiles chorégraphiques, l’une des plus brillantes, Mlle Rita Sangalli, va disparaître pour quelques temps du firmament parisien. M. Halanzier vient d’accorder à sa célèbre pensionnaire un congé de deux mois dont Mlle Sangalli va faire bénéficier nos voisins de Londres.

La semaine qui va s’ouvrir ne s’achèvera pas non plus, assure-t-on, sans que nous ayons entendu la nouvelle œuvre de Léo Delibes à l’Opéra-Comique. La partition, comme la pièce, s’il faut en croire des bruits de coulisses unanimement favorables, nous réserve d’agréables surprises et l’on s’attend à une réussite telle que le théâtre compte pouvoir, grâce à cette œuvre, braver avantageusement les chaleurs estivales : il n’y aurait pas de fermeture pour cette saison.

Gretna Green et Le roi le sait seront en tous cas et quoi qu’il arrive deux soirées intéressantes, puisqu’on y verra aux prises avec le public deux de nos jeunes musiciens, sur lesquels se fondent à bon droit les plus brillantes espérances. Pour nous, nous suivrons toujours complaisamment et d’une manière toute sympathique les efforts de notre jeune école, où il y a des grands et des forts pour l’avenir, nous ne cesserons de le répéter. C’est là un groupe d’artistes qu’à l’heure actuelle on trouverait difficilement chez nos voisins et rivaux en musique, nous pouvons le dire sans chauvinisme.

Mme Galli-Marié a pris un long congé de plusieurs mois à l’issue de la trois-centième représentation de Mignon, donnée mercredi dernier. Voilà un opéra devenu bien vite trois fois centenaire. Ce n’est absolument qu’à Paris qu’il est donné aux auteurs de voir ainsi leurs œuvres se perpétuer, de leur vivant.

Le Figaro annonce que « le jour de la trois-centième représentation de Mignon, M. Ambroise Thomas a offert à Mme Galli-Marié un fort beau collier en perles fines et grenats, les boucles d’oreilles pareilles, parure Louis XIV authentique et du goût le plus exquis. De pareils cadeaux sont rares de la part des auteurs ; il est vrai qu’il est plus rare encore de voir une artiste paraître dans un rôle pendant trois cents représentations consécutives, » et se contenter, ajouterons-nous, d’honorables mais modestes appointements, devant un pareil succès.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lucia Pasini (4 mai 1873). Semaine théâtrale. Les fours noirs. Consulté le 8 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/uq96


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