Il faut prendre le nouveau ballet de l’Opéra pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour un divertissement destiné à compléter un spectacle, et ce n’était pas une mauvaise idée, à ce point de vue, de choisir ce personnage semi-fantastique et semi-humoristique du forgeron de Gretna Green, qui, dans ses mariages à l’enclume, donne à prix modérés de la légitimité aux amours contrariés. Il est rai qu’il leur en donne pour leur argent. Dans ces mariages forgés d’un métal d’alliage, il y a toujours une paille. Toby lève, moyennant rétribution, tous les obstacles qui entravent les penchants amoureux des étrangers ; mais par une bizarrerie assez propre au cœur humain, il n’entend pas que sa fille, qui sera riche, grâce aux tendres impatiences de tant de couples secourus par le père, aime un garçon qui n’a rien.
Si c’est au résultat d’un concours que nous devons le choix de la partition de M. Diaz à l’Opéra, ce sera l’arrêt de mort des concours pour l’avenir. Ce résultat aura prouvé que des hommes distingués, individuellement gens de goût, une fois rassemblés, se neutralisent l’un l’autre par des timidités qui les conduisent à des compromis favorables à la moyenne d’une médiocrité officielle, en préférant un talent correct, estimable et fatalement limité, à une inspiration qui pourrait être incomplète encore, mais riche d’avenir. On devait rechercher les moyens d’offrir une prime au génie naissant, et finalement il se trouve qu’on aura distribué… un prix d’orthographe.
Je renonce complètement à arrêter l’Opéra-Comique sur la voie où il s’engage, ou plutôt je me déclare incompétent. Du moment que les honorables directeurs du théâtre d’Auber et d’Hérold estiment que les pièces sans situations et les partitions sans mélodie sont le comble de l’art – et notamment de l’art national, – je ne puis pas me faire décemment le bourgeois qui a le travers de s’amuser au théâtre, l’isulteur-Prudhomme de ces triomphes d’une haute régénération lyrique.
J’approuve, je l’avoue, que l’on s’acharne à réessayer le talent malheureux, mais à la condition qu’il ne s’abandonne pas lui-même, et tienne un peu plus compte des avertissements du public. Le médiocre effet de grisailles musicales que nous a données jusqu’à présent M. G. Bizet, pouvait ne pas décourager les directeurs ; mais, à coup sûr, devait faire réfléchir le compositeur. M. Bizet a un procédé qui a son effet au début, mais qui s’use vite.